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<p>Issu d'une famille juive pittoresque, père épicier en gros, grand-père maternel rabbin miraculeux, cousin Anatole
  régicide, tante "quel malheur", oncle Asraël (l'ange de la mort), un autre contrebandier et passeur. C'est un enfant
  surdoué qui se signale très tôt par une capacité de lecture impressionnante : premier journal à 2 ans ; à 4 ans, il
  lit couramment le russe, le français et l'hébreu. Il ne va pas à l'école, mais dispose de professeurs particuliers.
</p>
<section>
  <h2>Exode</h2>
  <p><time>1920</time>, la Russie connaît la guerre civile, rythmée par les batailles entre Blancs, Rouges et Verts
    (anarchistes et paysans), et à l'automne la famille décide d'émigrer vers la France.</p>
  <p>La 1ʳᵉ étape est toutefois <span class="place">Krzemeiniec (Pologne)</span> petite ville où vit la branche
    maternelle de la famille. Bergier y étudie dans les livres et reçevant une instruction religieuse d'un rabbin, dont
    il gardera une fascination pour la Cabale, ses mystères et ses légendes. Il apprend aussi les mathématiques, la
    physique, l'anglais, l'allemand. Il lit de façon vorace, d'abord la presse puis tout ce qui lui tombe sous la main.
    La bibliothèque locale contient des collections complètes de revues de <a
      href="/science/crypto/ufo/culture/litterature/index.html">science-fiction</a> russes et étrangères dont il se
    délecte (sauf durant la parenthèse concentrationnaire, il lira de 4 à 10 livres par jours tout au long de sa vie).
  </p>
  <p><time>1925</time>, les affaires familiales périclitent et l'émigration vers la France est décidée.</p>
</section>
<section>
  <h2>Paris</h2>
  <p>Bergier et sa famille s'installent à <span class="place">Paris (France)</span> <time>1925</time>. De <time>1926/1927</time>,
    Bergier fréquente l'école communale de <span class="place">Boulogne-sur-Seine</span> où il passe le certificat
    d'études primaires et fait une année de préparation au brevet élémentaire. <time>1928</time> il entre au <span
      class="place">Lycée Saint-Louis</span> où il organise des canulars mémorables tout en étant un élève frondeur et
    intelligent. Il passe les baccalauréats section sciences et philo <time>1930</time> et réussit le concours d'entrée
    à l'<span class="place">Institut de Chimie</span>. Il s'inscrit en même temps à la <span
      class="place">Sorbonne</span> pour divers certificats de mathématique et de chimie. Les grandes écoles, Normale,
    Polytechnique, Centrale, lui sont interdites, car ces parcours exige des préparations coûteuses, sa famille connait
    toujours des difficultés financières, les bourses sont pratiquement inexistantes, et il avoue lui-même que ses
    "faiblesses" en mathématiques lui interdisent cette voie royale. Voilà pourquoi il envisage l'<span class="place">Institut de Chimie</span>.
  </p>
  <p>Il peut alimenter sa boulimie de lecture en découvrant les collections des revues américaines <em>Argosy</em> et
    <em>All Story</em> (stock ayant appartenu à l'American Legion) à la librairie Joseph-Gibert. Il peut y lire les plus
    grands noms du fantastique et de la SF américain. Il entretient une correspondance de 10 ans avec <span
      class="people">H. P. Lovecraft</span>, jusqu'à la mort de ce dernier. Il fréquente aussi assidûment les quais et
    les bibliothèques publiques. Grâce à quelques travaux de traductions et des leçons, il peut assumer une partie de
    ses frais d'études et s'acheter quelques livres neufs. Fin <time>1933</time>, il quitte l'Institut de chimie où il
    n'a pas réussi à obtenir de diplôme, ainsi que la Sorbonne, pour ne plus refaire d'études. De <time>1933/1936</time>,
    il exerce différents petits métiers (traducteur, analyste, fabricant de colle).</p>
  <section>
    <h3>Vie active</h3>
    <p><time>1936</time>, son ami <span class="people">Alfred Eskenazi</span>, ingénieur chimiste, finance la mise sur
      pied d'un laboratoire. En association avec le physicien <span class="people">Vladimir Gavreau</span>, ils
      travaillent d'abord sur des produits pour le tissage de la soie et de la rayonne, ainsi que sur les premières
      méthodes d'automation des procédés industriels. Parallèlement, Bergier s'intègre à l'équipe de chimie-physique
      d'Hellbronner pour des travaux de physique nucléaire. Il découvre l'utilisation de l'eau lourde pour le freinage
      des neutrons et réalise la première synthèse d'un élément radioactif naturel, le polonium. Bergier vit à cette
      époque un bouillonnement créatif intense, et il rêve de fonder un véritable empire industriel de l'atome par
      l'exploitation des brevets qu'il prend sur un certain nombre de découvertes. Ces laboratoires fonctionneront
      jusqu'à la débâcle <time>1940</time>.</p>
  </section>
  <p>Depuis plusieurs années, Bergier s'est aussi investi dans la lutte anti-nazis. <time>1935</time>, avec le
    soutien du parti communiste allemand, il distribue des tracs à la sortie des cinémas et des théâtres lors de voyages
    d'affaire en Allemagne. Il transmettait également des rapports sur l'utilisation de l'énergie atomique aux
    gouvernements américains et français, ce qui l'engagera progressivement au sein des services secrets alliés. En
    <time>1940-05</time>, il choisit la lutte sur le terrain de la France. Il se rend d'abord à <span class="place">Toulouse</span>,
    puis à <span class="place">Lyon</span> où il restera de <time>1940-09/1943-11</time>, date de son arrestation par la
    Gestapo.</p>
  <p>Ses activités de résistant sont multiples. Il met en place des laboratoires clandestins pour la fabrication de
    bombes explosives et incendiaires, d'émetteurs radio, de dispositifs d'écoute téléphonique, de fausses monnaies et
    faux papiers. Il organise des actions comme l'intimidation de collaborateurs par l'envoi d'oreilles coupées, des
    attentats à la bombe, etc. Début 1942, il réalisera et fera éditer à Londres un <i>manuel du parfait saboteur</i> ,
    traduit en 38 langues. Il est aussi le rédacteur du journal <i>Le soldat allemand en Méditerranée</i>, feuille
    clandestine en allemand servant à démoraliser l'ennemi. Il organise des réseaux de résistants et d'espions, c'est
    ainsi qu'il devient l'un des dirigeants du réseau <i>Marco Polo</i>, et qu'il parvient à obtenir la localisation de
    la base secrète de construction de <a href="/tech/aero/appareil/missile/v2/index.html">V-2</a> de Pennemünde, qui
    sera finalement bombardée par l'armée alliée. Il est arrêté à Lyon le <time>1943-11-23</time> par la Gestapo et
    soumis à la question.</p>
  <p>"Aucune torture n'a pu avoir raison de cet homme de fer", dira Julius Mader, historien allemand.</p>
</section>
<section>
  <h2>Les camps</h2>
  <p><time>1944-03</time> il est envoyé au camp de <span class="place">Neue Bremme (Sarre)</span>, section "retour
    indésirable", où il reste 3 semaines. Contre toute logique, il survit aux tortures que ses tortionnaires lui font
    subir. Il connaît plusieurs fois le coma et usera de stratagèmes mentaux afin de supporter les sévices. Il sera
    envoyé au camp de <span class="place">Mauthausen</span> le <time>1944-04-02</time> et y restera jusqu'à la chute du
    camp <time>1945-05-05</time>. Là, il rejoint et dirige l'organisation clandestine de résistance. Il organise
    l'insurrection de la nuit du <time>1945-02-02/1945-02-03</time>. Après la chute du camp, il poursuivra et abattra
    personnellement le chef Ziereis. Il quitte Mauthausen <time>1954-05-19</time> après avoir accompli divers devoirs de
    mémoire.</p>
  <p>C'est un mort-vivant (36 kg) qui finalement rentre en France et réintègre la vie civile (il regrettera ce choix,
    jugeant bien vite qu'il aurait eu plus d'avenir en URSS). Il reçoit les plus hautes distinctions militaires des
    Russes, des Anglais, des Américains et des Français. Les Russes lui consacrent un film <em>L'homme qui arrêta la
      foudre</em> (autre titre <em>Et l'Angleterre sera détruite</em>), qui glorifie son action d'espionnage dans
    l'affaire de la destruction de la base de Pennemünde. Estimant qu'il va mourir s'il prend du repos, il continue ses
    activités. Dans les premiers temps, il s'occupe d'organiser la DGER, de la poursuite des criminels de guerre
    (Nuremberg de <time>1945-11/1956-10</time>), d'espionnage et de contre-espionnage, de la recherche de secrets
    militaires. Il demande à de Gaule de créer le Commissariat à l'Energie Atomique.</p>
  <p>Il dit avoir ramené deux pouvoirs paranormaux de Mauthausen. Le premier dont il se débarrassera rapidement est de
    pouvoir deviner de quoi les gens ont faim. Le second est de savoir avec certitude quand il est suivi (ce qu'il aura
    l'occasion de faire vérifier plus d'une fois).</p>
  <figure class="right side">
    <img src="BergierJacques.jpg" alt="Jacques Bergier">
  </figure>
  <p>Selon ses propres termes, il connaît la pauvreté, le chagrin et l'exil. La pauvreté, car ses rêves de grandeur sont
    anéantis. Le chagrin d'avoir perdu tant d'amis dans la bataille. Enfin l'exil, car il se sentira toujours comme un
    exilé en France.</p>
  <p><time>1947</time>, il fonde la société <em>Recherche et Industrie</em>, groupe d'ingénieurs conseils. Il effectuera
    notamment une mission en <span class="place">Inde</span> et aux <span class="place">Etats-Unis</span> dans le cadre
    d'un projet de fabrication par l'Inde d'essence synthétique. Aux Etats-Unis, il en profite pour voir où en est la
    littérature de science-fiction. Il fonde aussi l'association des écrivains scientifiques en France.</p>
  <p><time>1953</time>, il se reconvertit dans le journalisme. Il entre à <i>Constellation</i>, journal où le sérieux
    passe loin après la quête du sensationnel. Entre autres canulars, il inventa les aventures de l'Abbé Mélisse, dont
    les mémoires ont été "sérieusement" publiées et traduites en 17 langues par la suite.</p>
</section>
<section>
  <h2>Aparté alchimique</h2>
  <p>Jacques Bergier est également connu pour ses positions sur l'alchimie. Il s'y intéresse pour la première fois en
    <time>1938</time> quand Hellbronner l'emmène dans une usine à gaz de la région parisienne, où ils rencontrent
    Fulcanelli, l'auteur des deux célèbres livres <i>Le mystère des cathédrales</i> et <i>Les demeures philosophales</i>.
    Ils discuteront des dangers pour l'humanité de la recherche atomique. Après la guerre, Bergier aurait réalisé des
    expériences alchimiques, comme la synthèse d'argent et d'or en petites quantités, ainsi que du béryllium. Il reçoit
    d'un alchimiste allemand quelques onces de "poudre de projection", qui selon ses dires ont fonctionné parfaitement.
    Cette facette du personnage reste parmi les plus mystérieuses. Il portait cependant l'alchimie en haute estime.</p>
  <section>
    <h3>Pauwels</h3>
    <figure class="left side">
      <img src="BergierJacques_2.jpg">
      <figcaption>Bergier à Paris</figcaption>
    </figure>
    <p>Dans le milieu des années 1950s, Bergier rencontre Louis Pauwels. Les 2 hommes n'ont rien en commun. Pauwels est
      un littéraire alors que Bergier méprise ce qui ne relève pas de la méthode scientifique. Néanmoins, une grande
      amitié naît entre eux, ce qui conduira à la rédaction du fameux <em>Matin des Magiciens</em> <span class="source">Bergier, J. & Pauwels, Louis : <em><a
        href="https://www.amazon.fr/gp/product/2070206254?ie=UTF8&tag=r047-21&linkCode=as2&camp=1642&creative=6746&creativeASIN=2070206254">Le
      Matin des Magiciens</a></em>, Gallimard / NRF, 1960</span> <time>1960</time>. Ce pavé du "réalisme fantastique"
      connaît un succès phénoménal et Bergier devient rapidement très célèbre. Les faits cités dans ce livre sont issus
      pour l'essentiel de ses dossiers personnels qu'il distillait lors de discussions avec Pauwels, lequel se chargeait
      le lendemain de rédiger le manuscrit. Dans la foulée, Pauwels et Bergier lancent la revue <em>Planète</em> afin de
      combler l'attente des milliers de lecteurs. La revue connaît un véritable succès et devient un phénomène de
      société. L'aventure durera 8 ans, 41 numéros de 200 pages, des centaines d'articles, une tentative de reconduction
      avec 25 <i>Nouveau Planète</i>, mais aussi une production d'ouvrages annexes fort intéressants, comme les <i>Encyclopédie
        Planète</i>, les <i>Anthologie Planète</i>, les <i>Présence Planète</i>, les <i>Métamorphoses de l'Humanité</i>,
      les <i>Planète Histoire</i>, les <em>Trésors spirituels de l'humanité</em> et autres productions de qualité.
    </p>
    <p>Bergier alimentera ce mouvement d'articles et de préfaces sur l'alchimie, les recherches parapsychologiques, les
      armes secrètes, l'archéologie mystérieuse, l'espionnage, "l'histoire invisible", ...</p>
    <p>Cette aventure se termine au début des années 1970s. Les événements de <time>1968-05</time> ont profondément
      divisé la rédaction. En désaccord avec la nouvelle politique éditoriale, Bergier quitte la direction. Il publie
      néanmoins <em>L'homme éternel</em>, premier volet d'une suite au <em>Matin des Magiciens</em> prévue initialement
      en 5 actes. Ce livre n'ayant pas le succès escompté, Pauwels abandonne le projet et ce sera la brouille entre les
      deux auteurs. Bergier écrira alors seul ses propres livres dans la continuité du réalisme fantastique, livres qui
      s'ajouteront à ses œuvres diverses et variées sur l'espionnage, la chimie,... (voir bibliographie).</p>
  </section>
</section>
<section>
  <h2>Aparté Science-fiction</h2>
  <p>Bergier s'est beaucoup intéressé la littérature de science-fiction, la seule d'ailleurs, avec une certaine poésie,
    qu'il ne méprisât point. Déjà à Krzemeiniec, il découvre la SF russe et étrangère dans les collections de la
    bibliothèque, puis à Paris dans les années 1930s, grâce aux "pulps" américains achetés d'occasion. Il sera un fan de
    H. P. Lovecraft avec qui il entretiendra une correspondance jusqu'à sa mort <time>1937</time>, et contribuera à le
    faire connaître en France (préface à la traduction française du recueil <i>Démons et Merveilles</i>, aux éditions
    des Deux Rives <time>1955</time>). Pour lui, la S.-F. n'est pas seulement un loisir, mais une manière de penser et
    de comprendre le monde, une préfiguration de ce qui attend l'humanité.</p>
</section>
<p>Qui était Jacques Bergier ? Celui qui disait que <time>1968-05</time> était une démonstration de l'Interterror visant
  à montrer que l'on peut détruire un pays de l'intérieur, ou, visant plus directement les participants, "la révolte des
  imbéciles contre l'intelligence" ? Celui qui comme <span class="people">Charles Fort</span> collectait et accumulait
  (dans des dossiers secrets et avec sa mémoire comme boîte à fiches) les faits étranges, maudits, paranormaux ? Mais,
  rebelle aux histoires de soucoupes-volantes, qui disait aussi avec son humour pervers" les ovnis sont des
  hallucinations collectives provoquées par des extraterrestres" ? L'espion scientifique, le conseiller militaire ? Le
  scientifique, découvreur, membre de l'académie des sciences de N.Y., dépositaire de brevets,... et alchimiste à ses
  heures ?</p>
<p>Bergier meurt <time>1978-11-23</time>. <span class="people">Aimé Michel</span> dira <q>en mourant, c'est la première
  fois qu'il fait de la peine</q> <span class="source">Question de n°28</span>.</p>
<p><b>Auteur de</b> :</p>
<ul>
  <li><i>Visa pour demain</i> (NRF/L'air du temps)</li>
  <li><i>Quinze hommes... Un secret</i> (Gallimard/NRF/L'air du temps)</li>
  <li><i>Les extraterrestres dans l'histoire</i> (J'ai Lu 1970)</li>
  <li><i>Les livres maudits</i> (1971)</li>
</ul>
<span class="source">Bergier, J. : <em><a
  href="https://www.amazon.fr/gp/product/2725602289?ie=UTF8&tag=r047-21&linkCode=as2&camp=1642&creative=6746&creativeASIN=2725602289">Je
      ne suis pas une
      légende</a></em>, 1970</span>
<span class="source">Thomas, Claude : <span><a href="https://users.skynet.be/thomas/bioberg.htm">Jacques Bergier...
    n'était pas une légende</a></span>.</span>
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