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<p>Dans cette paisible bourgade, il est fils de gentilshommes sans titre et aux revenus modestes. L'école la plus proche
  du village lui donne une instruction imprégnée d'humanisme et qui met l'accent sur les auteurs classiques, l'étude de
  la langue et de la grammaire latine. Cet enseignement le marquera tout autant que le pédantisme qui l'accompagne et le
  rebute. À 14 ans, il part pour <span
    class="place">Naples (Italie)</span> où il rejoint l'université publique. Parallèlement, des cours particuliers le
  mettent au cœur des débats philosophiques entre platoniciens et dristoliciens. Dès cette époque, il découvre la
  mnémotechnique, art de la mémoire alors en vogue et qui constituera rapidement l'une de ses disciplines favorites.
</p>
<section>
  <h2>Frère dominicain (1565-1576)</h2>
  <p>À cette 1ʳᵉ strate humaniste et philosophique vient se superposer une couche théologique déterminante. Le <time>1565-06-15</time>,
    Filippo rentre chez les Frères prêcheurs de San Domenico Maggiare (Ce choix semble motivé par le prestige de couvent
    dominicain qui attribue des titres incontestés et réputés dans toute l'Italie. C'est aussi un précieux refuge en ces
    temps troublés par des disettes et des épidémies). Pendant 10 ans, Bruno qui a adopté le prénom de Giordano en
    hommage à un de ses maîtres en métaphysique (Giordano Crispo) lie sa vie aux dominicains, digère une culture
    dogmatique et pluridisciplinaire (philosophie naturelle, dialectique, rhétorique, métaphysique). Sa trajectoire
    parait conforme à la devise dominicaine d'une <i lang="lat">verba et exempla</i> (par le verbe et par l'exemple). Il
    devient prêtre <time>1573</time>. Lecteur en théologie <time>1575-07</time>, il soutient avec succès une thèse sur
    certains aspects des pensées de Thomas d'Aquin et de Pierre Lombard. Pourtant, les indices d'une rupture qui va très
    vite arriver sont perceptibles. En réalité, Bruno dissimule un esprit rebelle au carcan théologique et qui a le goût
    du vagabondage vers les sentiers peu orthodoxes. Sa curiosité vorace ne cesse de croître et de gagner en éclectisme.
    Il se nourrit abondamment des œuvres d'<a
      href="https://www.publius-historicus.com/erasme.htm">érasme</a>, humaniste considéré comme hérétique depuis <time>1559</time>.
    Il affiche des goûts pour l'hermétisme, la magie et entame une passion pour la cosmologie détachée de l'approche
    théologique. Dès sa première année de noviciat, il avait été accusé de profanation du culte de Marie. Il finit par
    se heurter à la hiérarchie sur les questions du dogme de la Trinité qu'il repousse. Une instruction est menée contre
    lui afin de le déclarer hérétique. Bruno devance la sentence : il abandonne le froc dominicain et fuit Naples <time>1576-02</time>.
    Cette apostasie jette Bruno dans une vie aventureuse où la précarité matérielle se dispute à la brièveté des
    séjours.
  </p>
</section>
<section>
  <h2>Le chevalier errant du savoir (1576-1592)</h2>
  <p>Pendant 15 ans, sa vie exprime un raccourci saisissant et métaphorique : les louvoiements du parcours d'une pensée
    ample et aux coudées franches. Aux sinuosités de son esprit répondent les multiples errances dans toute une partie
    de l'Europe.</p>
  <p>De <time>1576</time> à <time>1578</time>, il cherche à se maintenir en Italie au prix de changements incessants
    imposés par sa condition d'apostat tout autant que par son originalité croissante. Gênes, Noli, Savone, Turin,
    Venise, Padoue, Brescio, Naples... Bruno vit difficilement de leçons de grammaire ou d'astronomie, parvient tout de
    même à faire publier à Venise un premier ouvrage dont il ne reste rien d'autre que le titre (<em>Des signes des
      temps</em>). Il finit par s'exiler, se rend à <span class="place">Chambery</span>, puis à <span class="place">Genève</span>
    où il espère rencontrer un havre de paix. L'antre <a
      href="https://www.publius-historicus.com/calvin.htm">calviniste</a> le séduit temporairement : il est intégré dans
    la communauté évangélique italienne du marquis de Vico, le froc dominicain est définitivement abandonné, il assiste
    aux prédications, s'inscrit dans plusieurs académies... Finirait-il par se rallier à la cause calviniste ? Le voilà
    de nouveau en conflit avec la hiérarchie dont il conteste la compétence d'un des membres. Le <time>1578-08-06</time>,
    il est arrêté et excommunié. 2ᵉ exclusion d'une communauté religieuse !... Bruno n'en restera pas là. Il repart :
    <span class="place">Lyon</span>, <span class="place">Toulouse</span>... Cette ville sous le joug du dogmatisme
    catholique sévère le tolère pendant 2 ans. Il réussit à enseigner la physique, la mathématique. Un ouvrage sur la
    mnémotechnique (<em>Clavis Magna</em>) le fait connaître d'Henri III. Le roi, épaté par les dispositions de sa
    mémoire abyssale, le convoque à <span class="place">Paris</span> et se fait son protecteur. Bruno connaît alors une
    forme d'âge d'or. Cinq années exceptionnellement stables (jusque <time>1583</time>) le voient figurer parmi les
    philosophes attitrés de la cour. Il enseigne au Collège des lecteurs royaux (le Collège de France), s'adonne aux
    développements de sa pensée. Face aux tensions religieuses du moment, il adopte une position tolérante, renvoyant
    dos à dos les extrémismes des protestants et des ligueurs. <time>1582</time>, <em>Le Chandelier</em>, comédie
    satirique féroce à l'égard des mentalités de son temps, confirment son talent protéiforme et révèlent un vrai style
    d'écrivain, original et vivant, lyrique et ironique, amoureux d'images frappantes, raffinées ou brutales.</p>
  <p><time>1583-04</time>, muni d'une recommandation royale, Bruno se rend en Angleterre, à <span
    class="place">Londres</span> puis à <span class="place">Oxford</span>. L'accueil est hostile. Sa réputation est
    brillante, mais sulfureuse. Il ne la démentira pas : l'exposé de ses idées malmène l'opinion anglicane, essuie de
    nombreuses critiques, suscite des disputes passionnées. Déterminé à triompher, juché sur son orgueil de penseur qui
    connaît sa valeur et juge non sans morgue celle de ses contradicteurs, Bruno consacre 2 années à répliquer par la
    plume. 2 années qui posent Bruno comme un philosophe, théologien et scientifique puissant, novateur, impertinent en
    diable.
  </p>
</section>
<section>
  <h2>Héliocentriques... et multiples</h2>
  <p><time>1584</time> paraissent <em>La cène des cendres</em>, <em>La cause, le principe et l'un</em>, <em>De l'infini,
    l'univers et les mondes</em>. Ces ouvrages exposent notamment une vision cosmographique sublime d'audace,
    révolutionnaire, quasi visionnaire. Il enfonce la vieille conception toujours régnante du géocentrisme, soutient la
    représentation <a href="../../c/CopernicNicolas/index.html">copernicienne</a> du monde, tout en la dépassant : <q>l'univers
      est infini, peuplé d'une multiplicité de mondes analogues au nôtre</q>. En concevant un monde ouvert, Bruno
    accomplit un saut dans l'Immensité. La force de la logique de son intuition en fait un précurseur de <a
      href="../../k/KeplerJohannes/index.html">Kepler</a> et de l'astronomie moderne. Mais Bruno reste ancré dans son
    époque, mêlant à ces fulgurances des credo hermétiques, magiques et animistes : pour lui, c'est la vie qui anime des
    <a href="/place/systeme/solaire/planete">planètes</a> soucieuses d'exposer leurs faces au <a
      href="/place/systeme/solaire/Soleil">Soleil</a> et la matière possède une <a href="/croyance/Ame.html">âme</a>
    sensible et rationnelle.
  </p>
  <p><time>1585</time>, 3 nouveaux ouvrages approfondissent et poursuivent ses audaces. <em>L'expulsion de la bête
    triomphante</em> règle au nom d'un activisme humaniste le compte des attitudes calvinistes et catholiques... <em>La
    cabale du cheval de Pégase</em> est un opuscule satirique qui démolit méthodiquement l'édifice aristotélicien,
    vénérable référence depuis de siècles. Enfin, <em>Les fureurs héroïques</em> entérinent l'idée d'un monde qui n'a
    plus de centre... et Dieu plus de lieu.
  </p>
  <p>De retour à <span class="place">Paris</span>, Bruno voit sa position se détériorer. Le roi ne peut plus guère se
    risquer à défendre un "hérétique" du savoir alors que les querelles religieuses se durcissent. Bruno est isolé par
    une sombre affaire qui l'oppose à Mordente, géomètre soutenu par les ligueurs, qui l'accuse de s'attribuer la
    paternité du compas différentiel. Un nouvel exil conduit le fougueux penseur en Allemagne. <time>1586-06</time>,
    l'université de Marbourg puis Wittenberg l'accueillent. Il se fixe pendant 2 ans... le temps de heurter une nouvelle
    fois encore la hiérarchie ! À l'automne <time>1588</time>, Bruno apprend son excommunication, proclamée cette
    fois-ci par le pasteur de l'Église luthérienne ! Sa mise au ban rapide l'oblige à reprendre la route. Helmstadt,
    Francfort. Dans l'intervalle, sa production ne faiblit pas, tisonnée par le feu des polémiques et des errances
    successives. La "Trilogie de Francfort" témoigne de sa volonté d'ordonner sa pensée. <i lang="it">De immenso</i>
    réexamine les fondements de sa cosmographie. <em>De monade</em> mène une réflexion magique où le rapport organique
    entre les nombres et les figures géométriques est affirmée. <em>De minimo</em> esquisse de saisissants
    développements sur l'infiniment petit qui annoncent les réflexions à venir sur l'atome. Son dernier ouvrage, paru
    <time>1591</time> (<em>De la composition des images, des signes et des idées</em>) expose un système mnémotechnique
    incroyablement sophistiqué.
  </p>
  <p>À l'issue d'une n-ème expulsion, Bruno accepte <time>1591-08</time> l'invitation d'un patricien, Giovanni Mocenigo,
    de venir s'établir à <span class="place">Venise</span>. Ce retour dans une Italie jetée dans le combat
    contre-réformiste est probablement motivé par l'espoir d'obtenir la chaire de mathématique de l'université de
    Padoue, vacante depuis <time>1588</time>. Mais Mocenigo attend de Bruno qu'il lui enseigne la mnémotechnique et
    l'art d'inventer. Vite déçu, Bruno veut repartir et froisse Mocenigo, déjà heurté par la vie peu orthodoxe du
    philosophe. Il le retient prisonnier puis le dénonce à l'inquisition, ne parvenant pas à le soumettre.
  </p>
  <p> Le <time>1592-05-23</time>, Bruno est arrêté et emprisonné, à présent seul face au Saint-Office.</p>
</section>
<section>
  <h2>Procès d'un apostat (1592-1600)</h2>
  <p>Le 1er acte d'accusation se soucie surtout de ses positions théologiques considérées comme hérétiques : on évoque
    sa pensée antidogmatique, le rejet de la transsubstantiation et de la trinité, son blasphème contre le Christ, sa
    négation de la virginité de Marie... Mais ses activités philosophiques et scientifiques sont déjà relevées : sa
    pratique de l'art divinatoire, sa croyance en la métempsychose et notamment sa vision cosmologique sont mentionnées.
    Au fur et à mesure du procès, l'acte d'accusation ne cesse d'enfler jusqu'à résumer la vie entière d'un esprit à la
    quête trop librement et orgueilleusement assumée.
  </p>
  <p>Dans un 1er temps, Bruno se défend habilement, jouant à l'occasion la comédie du repentir, mais uniquement sur des
    "erreurs minimes". Mais son passé d'apostat le rattrape et Rome obtient son extradition. <time>1593</time>, 10
    nouveaux chefs d'accusation entraînent Bruno dans 7 années d'un procès interminable ponctué par une vingtaine
    d'interrogatoires menés par le cardinal Bellarmin. On lui administre la torture. Il lui arrive de lâcher du lest,
    d'esquisser un geste de rétractation... avant de se reprendre. Désireux d'en finir, le pape Clément VIII somme une
    dernière fois Bruno de se soumettre. L'Entêté réplique : <q>Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n'y a rien
      à rétracter et je ne sais pas ce que j'aurai à rétracter</q>. La situation est bloquée. Le
    <time>1600-01-20</time>, Clément 8 ordonne au tribunal de l'Inquisition de prononcer son jugement.
  </p>
  <p><time>1600-02-17</time>, Bruno est installé sur le bûcher du <time>Campo Dei Fiori</time>. À la lecture de sa
    condamnation au bûcher, Bruno commente : <q>Vous éprouvez sans doute plus de crainte à rendre cette sentence que moi
      à l'accepter</q>. Il laissera derrière lui sa propre épitaphe : <q>C'est donc vers l'air que je déploie mes ailes
      confiantes. Ne craignant nul obstacle, ni de cristal, ni de verre, je fends les cieux, et m'érige à l'infini. Et
      tandis que de ce globe, je m'élève vers d'autres cieux et pénètre au-de-là par le champ éthéré, je laisse derrière
      moi ce que d'autres voient de loin.</q></p>
</section>
<p><b>Auteur de</b> :</p>
<ul>
  <li><i><a href="https://www.fatalibelli.it/Alez/de-umbris.htm">De umbris idearum</a></i></li>
  <li><i>Cantus circaeus</i></li>
  <li><i>Sigillus sigillorum</i></li>
  <li><i>Il Candelaio</i></li>
  <li><i>La cena de le ceneri </i></li>
  <li><i> De la causa, principio e uno </i></li>
  <li><i><a href="https://www.uonna.it/de-l%27Infinito-universo-et-mondi.htm">De l'infinito, Universo e Mondi</a> </i>
  </li>
  <li><i>Spaccio de la bestia trionfante </i></li>
  <li><em>C</em><i>abala del cavallo pegaseo con l'aggiunta dell'Asino Cillenio </i></li>
  <li><i> De gl'Heroici furori</i></li>
</ul>
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