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<title>Donald C. Crowhurst</title>
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<figure class="right side">
  <img src="portrait.jpg">
  <figcaption> Crowhurst</figcaption>
</figure>
<p>Fils d'un représentant des chemins de fer expatrié, Crowhurst naît en <span class="place">Inde</span> en
  <time>1932</time>. <time>1947</time> il arrive avec sa famille en Angleterre. Il rejoint la <a
    href="/org/uk/mod/RAF.html">RAF</a>, apprend à piloter et étudie l'ingéniérie électronique, mais est renvoyé pour
  manque de discipline. Il intègre rapidement l'Armée où il suit une formation en armement électronique. Là encore sa
  carrière militaire ne dure pas longtemps, après avoir volé une voiture pour rentrer à son arrestation par la police.
</p>
<p><time>1957</time> il obtient un boulot avec Mullard, mais laisse rapidement tomber et achète un bateau de 20 pieds
  — <em>Pot of Gold</em> — qu'il conserve près de <span class="place">Bridgwater</span>, lançant la firme <em>Electron
    Utilisation</em> pour commercialiser son invention, un appareil de navigation - le "Navicator".
</p>
<p>Il a un accident motorisé qui le blesse à la tête. Par la suite son caractère semble affecté et il tombe dans de
  grandes dépressions.</p>
<p>Stanley Best, un homme d'affaires de <span class="place">Taunton</span>, amène une partie des fonds pour cette
  enterprise, mais s'aperçoit bientôt que bien que correct d'un point de vue pratique, Crowhurst n'a pas sens de la
  finance ou des affaires.</p>
<p><time>1966/1967</time> Francis Chichester effectue son premier tour du monde en solitaire. Cela devient
  immédiatement une ambition pour Crowhurst de faire la même chose.
</p>
<section>
  <h2>La course</h2>
  <p>Le <i lang="en">Sunday Times</i> décide de sponsoriser la course autour du monde en solitaire et sans escale du
    <em>Golden Globe</em>, une laquelle les compétiteurs pourraient démarrer à tout moment entre <time>06-01</time> et
    <time>1968-10-31</time> , d'où ils le souhaitent, n'ayant besoin pour participer officiellement que de faire
    enregistrer leurs dates de départ et d'arrivée par un journal national. Deux prix sont offerts — un pour le temps le
    plus court et un pour le premier arrivé.
  </p>
  <p>Y participent 9 concurrents dont Moitessier, Knox-Johnston. Navigateur expérimenté, Crowhurst annonce en <time
    datetime="1968-03"></time> qu'il participera sur un trimaran. Il parle à Best de financer la construction du bateau,
    le convainquant des profits pour la société s'il gagne.
  </p>
  <p>Son attaché de presse, Rodney Hallworth, ancien du <em>Mail </em>et de l'<em>Express</em>, pense que Crowhurst
    devrait partir de <span class="place">Teignmouth</span>. La BBC achète les droits TV et audio et fournit une caméra
    et un enregistreur pour le voyage. Le bateau — baptisé <i lang="en">Teignmouth Electron</i> — arrive dans la ville
    16 jours avant la date limite.
  </p>
</section>
<section>
  <h2>Le départ</h2>
  <p>Un matin d'<time>1968-10</time>, des amis de Crowhurst et un cadreur de la BBC le voient partir du port de
    Teignmouth sur son trimaran, partant pour la course du <i lang="en">Golden Globe</i>, en solitaire, sans escale,
    autour du monde, avec laquelle vont commencer les étranges événements entourant cet extraordinaire voyage.
  </p>
  <p>Pendant une quinzaine de jours, aucun message n'est reçu. Puis un message finit par arriver de quelque part près de
    <span class="place">Madère</span>. Peu après il déclare avoir effectué un record en naviguant 243 miles en un jour.
    La presse pense à un possible vainqueur.</p>
  <p>Nombreux sont parmi les favoris, dont Chay Blyth et John Ridgeway, à avoir déjà abandonné, mais Crowhurst semble
    faire de bons temps. Robin Knox-Johnson à 'Suhaili' est au large de la Nouvelle-Zélande, son bateau sévèrement
    touché, mais réduisant l'écart. Nigel Tetley, aussi sur trimaran, approche du Cap. L'idée de Crowhurst vainqueur est
    en tête.</p>
</section>
<section>
  <h2>Canular maritime</h2>
  <p> Cependant Crowhurst a trop besoin de gagner la course pour risquer un échec. C'est sans doute ce qui lui donne
    l'idée de monter un canular qui va longtemps abuser la presse : il navigue jusqu'aux <span
      class="place">Açores</span>, à 700 miles à l'Ouest, par 35° de latitude, et y reste sans bouger de façon
    appréciable. Il envoie à la BBC anglaise des messages radio où il donne des points fantaisistes tels que : <q>je
      franchis le cap Horn... le cap de Bonne-Espérance... je retourne en Angleterre...</q></p>
</section>
<section>
  <h2>Panique à bord</h2>
  <p><time>1969-06-24</time>, Crowhurst reçoit un message du <i lang="en">Sunday Time</i> : <q>Rencontre prévue aux
    îles Sorlingues... B.B.C. prépare interview... récit exclusif pour les Journaux... éditeurs intéressés... arrivée
    triomphale prévue...</q> Le bateau devant lui — le "Victress" de Nigel Tetley — a coulé et il semble que Crowhurst
    soit certain de gagner les 5000 £ pour le tour du monde le plus rapide. De son côté, Robin Knox-Johnson a déjà gagné
    les 5000 £ comme premier concurrent de retour chez lui.</p>
  <p>Peut-être à ce moment Crowhurst réalise-t-il qu'il n'est pas en si bonne posture que ça. Le prix est à lui, il est
    déjà un héros attendu, mais cela signifie que ses journaux de bord font faire l'objet d'une inspection détaillée,
    révélant ainsi son canular. Tant que Tetley était devant, Crowhurst était second, mais toujours un héros, et surtout
    aucune vérification n'aurait été faite de ses journaux de bord...
  </p>
  <p>Toujours est-il qu'à partir de cette date, tout bascule. Crowhurst ne répond plus aux messages et confie la vérité
    à son journal. Il avoue que son trimaran n'a pas bougé du 35° parallèle, mais il ajoute des commentaires étranges. À
    partir de ce <time>06-24</time> , il laisse un long testament philosophique dans un 2d journal de bord. Chaque mot a
    une suprême importance : il s'agit d'un message qu'il a à révéler à l'humanité, et il n'a que 7 jours pour l'écrire.
  </p>
</section>
<section>
  <h2>Une semaine d'écriture</h2>
  <p>Pourquoi 7 jours ? On peut effectivement trouver étrange qu'un homme, en plein Atlantique et donc sans contraintes,
    qui aurait décidé de se supprimer, se donne un délai de 7 jours pour rédiger un long testament philosophique dont il
    ne connaît certes pas à l'avance le temps qu'il lui faudra pour l'écrire. Ensuite, quel est ce mystérieux testament
    dont nous ne connaîtrons que des bribes ?
  </p>
  <p>Toujours est-il que Crowhurst écrit, parle de Dieu et du <q>système d'un monde</q> où un cerveau cosmique se joue
    de lui :</p>
  <blockquote>
    <p>Vous ne serez peut-être pas d'accord avec certaines choses que j'ai à vous dire...</p>
  </blockquote>
  <blockquote>
    <p>(...) Il semble que le progrès est la pièce qui a le plus de valeur pour l'humanité... Le progrès vers quoi ? Eh
      bien, vers l'intégration cosmique, bien sûr, où croyez-vous que nous puissions aller ailleurs ? Comment je le sais
      ? Je vais vous le dire...</p>
  </blockquote>
  <blockquote>
    <p>(...) Dieu et son fils jouaient ensemble au sein du cosmos. Il était le Père dans toute sa perfection et il avait
      un fils parfait. Bien entendu, ils jouaient à un très bon jeu qui consiste à changer des singes en dieux. Ce
      n'était rien qu'un excellent jeu, et aussi longtemps qu'on le jouait en suivant une règle simple, les singes
      n'étaient pas autorisés à savoir quoi que ce fût à propos des dieux... Le jeu consistait...
    </p>
  </blockquote>
  <p>Non seulement nous ne saurons pas de quoi il s'agissait, mais Crowhurst commence à faire preuve d'une tranquille
    connaissance, exposée sans ostentation et faisant étalage de révélations qu'il aurait acquises soudainement. Par
    quoi, par qui ? Nous l'ignorons, comme le veulent les enquêteurs. Mais sans doute est-ce par ce mystérieux phénomène
    qui provoqua en même temps les 5 disparitions de passagers à bord de leurs navires dans les mêmes parages.
  </p>
  <p>Encore Crowhurst :</p>
  <blockquote>
    <p>Si votre système ne vous écoute pas, ce n'est pas une raison pour rentrer chez vous et y entreprendre la
      fabrication d'une bombe - vous pouvez être certain que le système saura s'en arranger. Ne vous suicidez pas par le
      feu au coin d'une rue. Le système ne sait peut-être pas s'en arranger, mais vous pouvez être certain qu'il ne
      changera rien et votre intelligence aura été perdue (une intelligence assez forte pour accepter un tel sacrifice
      mérite mieux). Il vous reste le choix de vous rendre au travail et de persuader le système de vous accepter, puis
      de le changer de l'intérieur ou, simplement, de transporter votre intelligence à un système plus satisfaisant.
    </p>
  </blockquote>
  <p>Ce passage sera qualifié par des enquêteurs comme une <q>Une argumentation quelque peu sophistiquée contre les
    formes de révolution violente, mais surtout une rationalisation du propre désir de Crowhurst de transporter son
    intelligence dans un système plus satisfaisant, celui de la pure intelligence. En d'autres termes, de mourir...</q>
    Ailleurs - mais dans quel contexte ? - Crowhurst déclare que <q>le cours de l'âge est une forme du concept de
      désespoir</q> et cela devient pour nos compères l'illustration du tic-tac de son chronomètre qui le rapprochait de
    la fin, de son suicide.</p>
  <p>A un moment donné que l'on ne sait préciser, Crowhurst remet ses montres en marche comme s'il les avait abandonnées
    pendant un certain temps. Les enquêteurs voient là <q>le symptôme évident de la schizophrénie.</q>
  </p>
  <p>Mais, si nous admettons cette éventualité, que ressort-il exactement des déclarations manuscrites du navigateur ?
  </p>
  <blockquote>
    <p>Les raisons des troubles que nous ressentons est que les êtres cosmiques jouent à des jeux avec nous (si vous
      connaissez les "vraies" mathématiques, il vous sera facile de me suivre). Ils s'amusent à imaginer des systèmes
      capables de fabriquer des êtres cosmiques par eux-mêmes. Lorsque vous y réfléchissez, vous êtes obligé de convenir
      que c'est là un jeu très amusant. J'aime les jeux amusants, et je suis parfaitement le point de vue des êtres
      cosmiques. Mais, en même temps, je suis un homme et lorsque je réfléchis à la somme de souffrance que les hommes
      ont endurée du fait de ce jeu des êtres cosmiques, je me sens plein de colère à leur endroit. Ils me disent qu'ils
      comprennent cette douleur. Ils souffrent aussi d'ailleurs à leur façon et ont mis au point une méthode susceptible
      de fabriquer automatiquement les êtres cosmiques de façon à faire une seconde génération plus à même de dominer
      ses problèmes qu'ils ne l'étaient eux-mêmes.
    </p>
  </blockquote>
  <p>Bien sûr, retirées de leur contexte, ces phrases peuvent paraître obscures. Il ne faut pas oublier qu'elles sont
    l'infime extrait de méditations de 25000 mots. Il semble que Crowhurst dialogue plus qu'il ne médite. Mais cette
    allusion aux <q>êtres cosmiques</q> laisse supposer que le dialogue a atteint une ampleur difficile à concevoir pour
    des esprits cartésiens. Si l'on estime que Crowhurst n'était plus seul, tout s'explique, encore qu'il faille
    accepter la nature de ses interlocuteurs. Les enquêteurs, quant à eux, ont aussitôt profité de la signification
    obscure de ces phrases, au préalable retirées de leur contexte par mesure de prudence, pour les présenter sous un
    angle favorable à leur thèse : fantasmagories, symptômes extrêmes de paranoïa ; il se trouvait si proche des êtres
    cosmiques qu'il leur parlait directement : <q>Vous auriez pu rendre les choses plus faciles.</q>
  </p>
  <figure class="left side">
    <img src="Crowhurst_nature.jpg">
    <figcaption> "La Nature..."</figcaption>
  </figure>
  <p>Là où le dialogue prend une tournure vraiment intrigante, c'est lorsque Crowhurst donne l'impression très nette
    d'avoir discuté avec une autre personne :</p>
  <blockquote>
    <p>J'ai des ennuis avec les êtres cosmiques. Il y avait quelque chose qui n'allait pas. Je sentais que j'aurais pu
      jouer le jeu mieux qu'eux... À la fin, j'ai été obligé de reconnaître que la nature conduit ces êtres cosmiques à
      commettre la seule faute dont ils soient capables : le péché de dissimulation. Ce n'est qu'une petite faute pour
      un homme, mais elle devient terrible de la part d'un être cosmique. C'est là que réside son angoisse.</p>
  </blockquote>
  <p>Crowhurst semble, en effet, revenir d'une discussion avec plusieurs personnes avec lesquelles il est entré en
    désaccord et dont la nature ne nous est connue que par ce vocable : les êtres cosmiques.
  <p>Crowhurst écrira également :
  <blockquote>
    <p>Maintenant, enfin, l'homme a tout ce dont il a besoin pour penser comme un être cosmique. Pour le moment, il doit
      être vrai que je suis le seul homme sur la Terre à comprendre ce que cela veut dire.
    </p>
  </blockquote>
  <p>Bien d'autres passages demeurent passionnants, mais, situés dans l'amputation d'un bref passage à travers 25000
    mots, arrangés à une sauce douteuse, ils ne peuvent être sérieusement pris en considération ou, tout au moins,
    étudiés avec l'intérêt qu'ils méritent. Les enquêteurs ont, d'autre part, trop appuyé sur leur thèse pour demeurer
    objectifs, trouvant démentiel qu'un navigateur solitaire se promène nu sur le pont de son navire en plein
    Atlantique, veuille étudier la critique qu'il a faite de la <q>Relativité d'<a
      href="../../e/EinsteinAlbert/index.html">Einstein</a></q>, sinon déclare nécessaire le <q>contrôle des
      naissances</q>...
  <p>Mais quel est cet objet sphérique rouillé, aux 2/3 submergé, que le navigateur aperçut à 4 encablures de lui, ou ce
    curieux radeau d'environ 4 pieds carrés à peine submergé par 2 flotteurs sphériques de chaque côté format ce qui
    semble être des poignées, sinon ces lueurs et ces choses étranges au-dessus de <span
      class="place">Rio de Janeiro</span> ?
  </p>
</section>
<section>
  <h2>Un bateau vide</h2>
  <figure class="left side">
    <img src="Crowhurst.jpg">
    <figcaption> Le trimaran de Crowhurst qui fut découvert vide</figcaption>
  </figure>
  <p><time>07-10</time>, le paquebot <em>Royal Mail Picardy</em>, en route de Londres aux Antilles, repère à
    <time>07:59</time>
    un trimaran avançant lentement, à 1800 miles dans l'Atlantique. Le capitaine
    du Picardy, Richard Box, trouve la position du trimaran étrange et décide d'y aller voir de plus près.
  </p>
  <p>Le trimaran est à sec de toile, exception faite d'une petite voile d'artimon. On sonne la corne de brume, mais
    aucune réponse. Le bateau apparaît en bon état, sans avaries, mais personne n'est à bord. Le canot de sauvetage est
    en place. On trouve des assiettes sales dans l'évier.
  </p>
  <p>Cependant, les récepteurs radios sont en pièces. Il ne manque que quelques objets, dont le chronomètre. Les
    journaux
    de bord de Crowhurst sont en pile sur la table. La dernière note date du <time>06-29</time>.
  </p>
  <figure class="right side">
    <figcaption> Le trimaran de Crowhurst sur l'île de Cayman Brac, photographié par Tacita Dean</figcaption>
    <img src="Crowhurst_Electron.jpg">
  </figure>
  <p>Avec une grue le bateau est hissé à bord du Picardy, qui le transporte jusqu'à la petite île de Cayman Brac, où il
    se trouve toujours (l'artiste Tacita Dean ira à Cayman Brac à l'automne <time>1998</time> pour tourner <em>Disparition
      en mer</em>).
  </p>
  <p>Alors que l'on s'apprêtait à accueillir le vainqueur de la course l'occupant du trimaran, <i lang="en">Teignmouth
    Electron</i>, celui-ci a disparu. Knox-Johnson, vainqueur, insiste pour donner le prix de 5000 £ pour le fond
    d'appel pour la famille de Crowhurst. Nigel Tetley, qui a pratiquement ruiné son bateau et est contraint à
    l'abandon, reçoit une consolation de 1000 £. Il se suicide quelques mois après.</p>
</section>
<section>
  <h2>Enquête sur des journaux de bord</h2>
  <p>Rodney Hallworth arrive en avion pour récupérer les journaux de bord, qu'il a déjà vendus au <em>Sunday Times </em>pour
    4000 £, mais est averti par la capitaine Box que quelque chose ne va pas. Ce dernier suggère de déchirer des pages
    de la "confession" de Crowhurst afin que sa famille ne connaisse jamais l'"horrible vérité" mais la découverte est
    telle que Hallworth pense que la totalité doit être publiée. La BBC prepare déjà <em>L'histoire du voyage héroïque
      de Crowhurst</em>. Seul le directeur général connait la raison de ce programme.
  </p>
  <section title="La supercherie révélée">
    <p>La "supercherie" est qu'il existe deux ensembles de journaux de bord. Crowhurst n'a jamais passé le Cap Horn ou
      le Cap de Bonne Espérance. Il a passé les 8 mois 1/2 à envoyer de faux messages radio et de fausses positions de
      l'Atlantique. Dans un ouvrage volumineux, les enquêteurs indiqueront :
    </p>
    <blockquote>
      <p>Son itinéraire a été falsifié. Il inventait des positions imaginaires pour faire croire à une progression
        rapide. L'inquiétude que lui procurait l'état alarmant de son trimaran explique les contradictions de ses
        messages et, devant la tricherie dont il s'était fait l'auteur, commençait à prévoir une solution qui laissât
        vierge sa mémoire devant la postérité : le suicide. Crowhurst se jeta à la mer pour ne pas affronter le jugement
        des hommes - et quel jugement ! - en emportant le compas et divers objets.
      </p>
    </blockquote>
    <figure class="left side">
      <img src="Crowhurst_navigation.jpg">
      <figcaption> Navigation</figcaption>
    </figure>
    <p>On découvre en effet dans le 2ᵉ livre de bord un itinéraire qui se rapproche bien peu de celui dont le navigateur
      a énoncé les étapes par radio. A-t-il voulu mystifier tout le monde et, à cause des défaillances techniques de son
      trimaran, faire croire à une progression constante et rapide ? Alors, ce livre de bord contient l'itinéraire réel
      de Crowhurst et démontre sa tricherie. Le navigateur s'est tenu au courant, par radio bien sûr, des conditions
      météorologiques sévissant dans des secteurs voisinant sa route. Ainsi, il voulait faire croire ce qui n'était
      point. C'est cette imposture qui l'aurait conduit tout au long à un assaut de scrupules, de doutes, de craintes
      qu'on ne le découvre là où il ne pouvait pas être, etc.
    </p>
    <p>Cependant la carte dressée d'après ce livre présente un itinéraire en zigzag qu'aucun navigateur n'aurait suivi,
      même en voulant mystifier. Les enquêteurs supposent alors que, durant tout le voyage, il existait un 4ᵉ livre,
      celui-là complètement faux et prouvant indubitablement cette tricherie. Crowhurst l'aurait jeté par-dessus bord
      avant de suivre le même chemin.
    </p>
  </section>
  <section>
    <h3>Méditations dérangeantes</h3>
    <p>Un autre livre, contenant près de 25000 mots de "méditations", est lu et analysé par divers psychologues
      sollicités. Ceux-ci indiquent qu'<q>elles n'ont pu être écrites par une personne en bonne santé mentale, cherchant
        à mystifier.</q> L'un d'eux suggère : <q>Ce serait très difficile d'écrire 25000 mots d'un tel texte. Essayez
        plutôt. </q> On pense alors que Crowhurst a dû devenir fou pour écrire si longuement et d'une façon si
      inégalable. Il fallait qu'il soit devenu fou, car certaines de ses déclarations paraissent incompréhensibles :
      vers la fin de la course, probablement en approchant des Açores, ses affirmations manuscrites prennent un sens
      hors du commun. Que s'est-il donc passé ? A-t-il sombré peu à peu dans le délire ? Pour quel motif ? Quel choc
      soudain avait perturbé le cours de ses pensées, de ses réflexions ? Les enquêteurs font des suppositions :
    </p>
    <blockquote>
      <p>Ce qui précipita la folie de Crowhurst, <q>nous ne le savons pas. La drogue ou l'alcool ? Un défaut de
        vitamines ou le thé moisi... ? Plus probablement, il aura été écrasé par les pressions accumulées de la
        situation cauchemaresque dans laquelle il se trouvait...</q></p>
    </blockquote>
    <p>Cette interprétation des médiations de Crowhurst semble malhonnête à certains. Comme le diront François Ribaud et
      <a href="../../r/RibesJeanClaude/index.html">Jean-Claude Ribes</a> à propos du travail des enquêteurs :
    </p>
    <blockquote>
      <p>Il comporte le talent de ne rien dire qui soit faux, à proprement parler, mais de faire des citations tout en
        déformant la pensée de l'auteur, de séparer d'un contexte gênant une phrase ambiguë, d'omettre les
        développements ou les préambules.
      </p>
    </blockquote>
    <figure class="right side">
      <img src="Crowhurst_mercy.jpg">
      <figcaption> Les derniers mots de Crowhurst</figcaption>
    </figure>
    <p>Certains y trouvent trop de <q>peut-être</q>... <q>nous croyons que</q>... <q>à en juger par</q>... <q>si nous
      acceptions que</q>... <q>nous pouvons interpréter</q>... N'ayant accès aux documents, le lecteur n'a d'autre choix
      que d'accepter l'interprétation des enquêteurs : Crowhurst a sombré dans la <q>mégalomanie paranoïde.</q></p>
    <p>Pourtant, après que ces pages ont été déchirées, à l'occasion sans doute d'un moment plus favorable, on en donna
      publiquement lecture. S'agissait-il des mêmes pages ? Rien ne le prouve.
    </p>
    <p>Est-il resté de son plein gré dans la zone des Açores ? Le <time>06-30</time>, Crowhurst écrit qu'il est décidé à
      mourir : <q>Mon <a href="/croyance/Ame.html">âme</a> désormais est en repos. Je vous livre mon carnet de bord. La
        seule beauté est la vérité, personne ne doit et ne peut faire plus qu'il ne lui est possible. C'est la fin, la
        vérité est révélée, j'abandonne mon jeu <time>11:50</time>.</q></p>
    <p>Pour Craig Rich, consultant en navigation pour le <em>Sunday Times</em>, il n'y a pas de grand mystère dans cette
      histoire : Crowhurst a simplement falsifié ses enregistrements pour faire croire qu'il avait effectué toute la
      course et pensant arriver 2d. Il a pu tomber ou se jeter à l'eau, mais quoi que l'on puisse en penser, il fait
      preuve de courage en naviguant 16 000 miles en solitaire, une action remarquable en elle-même.
    </p>
  </section>
</section>
<p>Certains diront avoir reconnu Crowhurst vivant en Angleterre, mais le mystère demeure toujours sur sa
  disparition.</p>
<p><strong>Références</strong> :</p>
<ul>
  <li>Nicholas Tomalin, Ron Hall et Robin Knox-Johnston, <em>The strange last voyage of Donald Crowhurst, </em>International
    Marine 1970, ISBN 0-07-065084-5
    <ul>
      <li>traduit <em>L'étrange voyage de Donald Crowhurst</em>, Stock, octobre 1990, ISBN 223402272X, EAN13
        9782234022720.
      </li>
    </ul>
  </li>
  <li> Gaston, Patrice, <em>Disparitions mystérieuses</em>, Robert Laffont 1973 / Les énigmes de l'univers, pp. 181 et
    suivantes — Une mine d'histoires peu connues de disparitions mystérieuses au cours des 2 derniers siècles.
  </li>
  <li>De Chalonge, Christian, <em>Les 40ᵉ rugissants, </em>1982, avec Jacques Perrin, Michel Serrault.</li>
  <li><a href="https://www.saltyseas.com/crowhurst">Salty seas</a></li>
</ul>
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