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<title>Guillaume d'Ockham</title>
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<p class="exergue">Reposer sur la parcimonie ne nous mènera pas tous aux mêmes conclusions <span class="source">Molé, Phil: "<a
    href="/time/2/0/0/3/04/01/Mole_OckhamsRazorCutsBothWays/index_fr.html">Ockham's
  Razor cuts both ways: The Uses and Abuses of Simplicity in Scientific Theories</a>", vol. 1, 10, 1er avril 2003, pp. 40-47</span>
</p>
<figure class="left side">
  <figcaption> "Guillaume" d'Ockham</figcaption>
  <img alt="Guillaume d'Ockham" src="portrait.jpg"/>
</figure>
<p>William d'Ockham, appelé en France "Guillaume d'Ockham" naît, comme son nom l'indique, à Ockham dans le <span
    class="place">Surrey (Grande Bretagne)</span> (non loin de Londres) à une date que nous ignorons (vers <time>1285/1290</time>).
  Il entre jeune dans l'ordre des franciscains. Sous-diacre <time>1306</time>, il commence des études de théologie à
  <span class="place">Oxford</span> <time>1309</time>. A partir de <time>1317</time>, il y commente le <i>Livre des
    sentences</i> de Pierre Lombard, jusque <time>1319</time>. Il est alors "bachelier formé" au terme d'une cérémonie
  dite <i>inceptio</i>, ce qui fait de lui un <i>inceptor</i>, c'est-à-dire un simple candidat à la maîtrise. Il ne
  deviendra jamais maître en théologie.
</p>
<section>
  <h2>Hérésie</h2>
  <p><time>1324</time>, en effet, ses études sont interrompues sur dénonciation du chancelier de l'Université, John
    Lutterel. Une liste de propositions tirées de son <i>Commentaire des sentences</i> est en effet jugée hérétique. Il
    est convoqué à <span class="place">Avignon</span> devant le pape Jean 22. Il conserve 3 ou 4 ans sa liberté de
    mouvement et d'enseignement, résidant au couvent des franciscains, sans qu'aucune condamnation formelle
    n'intervienne.
  </p>
  <p>Cependant, au cours de son séjour en Avignon, Ockham se lie à la fraction de son ordre (notamment Michel de Césène)
    qui défend, contre le Pape, la pauvreté intégrale préconisée par Saint François. Pour mieux défendre la cause, cette
    faction devient alliée et bientôt agent de Louis de Bavière dont Jean 22 refuse la désignation comme empereur. Louis
    de Bavière se fait couronner à Rome et fait élire l'antipape franciscain, Nicolas 5.
  </p>
  <p><time>1328</time>, Guillaume d'Ockham s'enfuit d'Avignon avec Michel de Césène et 3 autres franciscains. Il se
    rend d'abord à <span class="place">Pise</span>, puis à <span class="place">Munich</span>. Son sort est désormais lié
    à celui de l'empereur. Il mène une féroce polémique contre Jean 12.
  </p>
</section>
<section>
  <h2>Rasoir</h2>
  <p>Dans la querelle des Universaux il adopte le point de vue nominaliste. Pour lui, seul le singulier est réel ; ce
    qui est universel n'existe que dans l'esprit. On ne peut pas déduire l'immortalité de l'<a
        href="/croyance/Ame.html">âme</a> des principes rationnels car elle n'est pas fondée sur l'expérience. Le
    "Rasoir d'Ockham" <span class="note">souvent mal orthographié Occam</span> désigne ainsi le principe d'économie en
    logique : <q>Pluralitas</q><q> non est ponenda sine neccesitate</q> (la pluralité ne devrait pas être posée sans
    nécessité), et <q>Frustra fit per plura quod potest fieri per pauciora</q> (il est inutile de faire avec plus ce qui
    peut être fait avec moins)<q>. </q>Un de ses éléves écrira plus tard : <q>Entia non sunt multiplicanda praeter
      necessitatem</q> (les entités ne devraient pas être multipliées sans nécessité).
  </p>
  <section>
    <h3>Exemples</h3>
    <p>En <a href="/science/discipline/hard/nat/mat/phys">physique</a> on utilise le rasoir pour se débarrasser de
      concepts métaphysiques. Beaucoup de savants ont adopté ou réinventé le Rasoir d'Ockham, <span class="source">Leibniz, L'identité des observables</span>,
      indiquant par exemple <q>Nous n'avons à accepter pas plus de causes des choses naturelles que celles qui sont à la
        fois vraies et suffisantes pour expliquer ces choses</q> <span class="source"><a
          href="../../n/NewtonIsaac/index.html">Newton, I.</a>: <em>Principia : The system of
        the world</em></span>.
    </p>
    <ul>
      <li>L'exemple canonique est la théorie de la relativité restreinte d'<span class="people" title="Albert Einstein">Einstein</span>
        comparée avec la théorie de Lorentz que les règles se contractent et que les horloges ralentissent lors d'un
        mouvement dans "l'éther". Les équations d'<span class="people" title="Albert Einstein">Einstein</span> de
        transformation de l'espace-temps sont les mêmes que les équations de Lorentz transformant les règles et les
        horloges, mais <span class="people" title="Albert Einstein">Einstein</span> et <span class="people"
            title="Henri Jules Poincaré">Poincaré</span> ont reconnu que l'éther ne pouvait être détecté d'après les
        équations de Maxwell et Lorentz. D'après le rasoir d'Ockham l'éther devait être éliminé.
      </li>
      <li>Le principe a aussi été utilisé pour justifier l'incertitude en <a
          href="/science/discipline/hard/nat/mat/phys/quantique">mécanique quantique</a>. Heisenberg a déduit son
        principe d'incertitude de la nature quantique de la lumière et de l'effet de la mesure.
      </li>
      <li><q>Nous pouvons toujours imaginer qu'il existe une série de lois qui détermine complètement les événements
        pour un être surnaturel, qui pourrait observer l'état actuel de notre univers sans le perturber. Toutefois, de
        tels modèles de l'univers ne nous intéressent pas nous autres mortels. Il semble préférable d'utiliser le
        principe connu sous le nom de Rasoir d'Occam et éliminer toutes les effets de la théorie qui ne peuvent être
        observés</q> <span class="source">Hawking, Stephen: <em>Une brève histoire du temps</em></span><q>.</q></li>
      <li>Mais l'incertitude et la non-existence de l'éther ne peuvent être déduites du seul rasoir d'Ockham. Ce dernier
        peut trancher entre 2 théories qui engendrent les mêmes prédictions, mais ne peut rendre caduques d'autres
        théories qui conduisent à des prédictions différentes. Les preuves <a href="/science/methode/Empirisme.html">empiriques</a>
        sont aussi nécessaires et Ockham lui-même plaidait pour l'<a
            href="/science/methode/Empirisme.html">empirisme</a>, et non contre lui.
      </li>
    </ul>
  </section>
  <section>
    <h3>A double tranchant</h3>
    <p>Ernst Mach soutint une version du rasoir d'Ockham qu'il appela le <strong>principe de l'économie</strong>, qui
      s'énonce : <q>Les savants doivent utiliser les concepts les plus simples pour parvenir à leurs résultats et
        exclure tout ce qui ne peut être perçu par les sens.</q> Menée jusqu'à sa conclusion logique, cette philosophie
      devient le <strong>positivisme</strong> (i.e. la conviction qu'il n'y a pas de différence entre ce qui existe mais
      n'est pas observable et ce qui n'existe simplement pas).
    </p>
    <p>Mach influence <span class="people" title="Albert Einstein">Einstein</span> en clamant que l'espace et le temps
      ne sont pas absolus, mais applique aussi le positivisme aux molécules. Il annonce — comme le feront ses
      successeurs — que les molécules sont des concepts métaphysiques, car trop petites pour être détectées
      directement, et ce en dépit du succès de cette théorie à expliquer les réactions chimiques et la thermodynamique.
      Il est ironique que bien qu'utilisant le principe d'économie pour se débarrasser du concept d'éther et d'un
      référentiel absolu au repos, <span class="people" title="Albert Einstein">Einstein</span> publia presque en même
      temps un article sur le mouvement brownien qui confirmait la réalité des molécules et opposait donc un
      contre-exemple à l'utilisation du positivisme. <span class="people" title="Albert Einstein">Einstein</span>
      indiquera dans ses notes autobiographiques : <q>Ceci est un exemple intéressant du fait que même des élèves ayant
        l'esprit audacieux et un instinct affiné peuvent être bloqués dans l'interprétation de faits par des barrières
        philosophiques.</q></p>
  </section>
  <section>
    <h3>Parcimonie n'est pas Ockham</h3>
    <span class="exergue">On devrait tout rendre aussi simple que possible, mais pas plus <span class="source"><a
        href="../../e/EinsteinAlbert/index.html">Einstein,
  A.</a>: <em>Notes autobiographiques</em></span></span>
    <p>Le principe d'Ockham est souvent décrit comme le fait de donner préférence à la plus petite théorie possible
      (avec le moins d'objets possibles dans le modèle attendu, et le moins d' <a href="/science/Hypothese.html#adhoc">hypothèses
        <em>ad hoc</em></a> possibles) en oubliant de dire qu'Ockham ne recommande ce choix que <q>toutes choses étant
        égales par ailleurs</q>. (i.e. les autres aspects comparables ne différant pas).
    </p>
    <p>On trouve ainsi, énoncés différemment, des formes dérivées du rasoir qu'Ockham le voulait, que l'on devrait plus
      correctement qualifier de principes de parcimonie ou de simplicité :
    </p>
    <ul>
      <li><q>Si on a 2 théories qui expliquent toutes 2 les faits observés alors on devrait utiliser la plus simple
        jusqu'à ce que d'autre preuves soient découvertes.</q></li>
      <li><q>L'explication la plus simple pour un phénomène est vraisemblablement plus juste que des explications plus
        compliquées.</q></li>
      <li><q>Si vous avez 2 solutions à un problème qui semblent de même valeur, prenez la plus simple.</q></li>
      <li><q>L'explication nécessitant le moins d'hypothèses possibles est vraisemblablement plus correcte.</q></li>
      <li> ou, dans la seule forme ou il garde sa signification propre... <q>Gardez les choses simples !</q></li>
    </ul>
    <p>Pour Ockham, on ne peut par exemple choisir entre des théories faisant des prédictions différentes. Ce principe
      remonte à aussi loin qu'au temps d'<span class="people">Aristote</span> qui écrivait <q>La nature utilise le
        chemin le plus court possible</q>. <span class="people">Aristote</span> alla trop loin en croyant que les
      expériences et l'observation n'étaient pas nécessaires. Le principe de simplicité fonctionne comme une règle "avec
      les mains" heuristique, mais certaines personnes le citent, à tort, comme un axiome de la physique. Il fonctionne
      bien en philosophie ou en <a href="/science/discipline/hard/nat/mat/phys">physique</a> des particules, mais moins
      souvent en cosmologie ou en psychologie, où les choses deviennent plus compliquées qu'on ne pouvait s'y attendre
      quand on les approfondit. Peut-être qu'une citation de Shakespeare pourrait être plus appropriée que le rasoir
      d'Occam : <q>Il y a plus de choses dans le paradis et la Terre, Horatio, que celles auxquelles on rêve dans notre
        philosophie.</q></p>
    <p>La simplicité est un concept subjectif et l'univers, ou notre voisin, n'a pas toujours les mêmes idées que nous
      sur la simplicité. Les théoriciens qui réussissent parlent souvent de symétrie et de beauté autant que de
      simplicité. <time>1939</time>, Dirac écrivait : <q>Le chercheur, dans son effort pour exprimer les lois
        fondamentales de la Nature en langage mathématique devrait en priorité tenter d'obtenir la beauté mathématique.
        Il arrive souvent que les exigences requises pour la simplicité et la beauté soient les mêmes, mais quand elles
        sont en désaccord c'est la dernière qui doit être prioritaire.</q> La loi de parcimonie n'est pas un substitut
      de la perspicacité, la logique et la méthode scientifique. On ne devrait jamais compter sur elle pour établir ou
      défendre une conclusion. Comme gage d'exactitude seules la cohérence logique et les preuves empiriques sont
      absolues. Dirac a eu beaucoup de réussite avec sa méthode. Il a construit l'équation <a
          href="/science/discipline/hard/nat/mat/phys/relativ">relativiste</a> du champ pour l'électron et l'a utilisée
      pour prédire l'existence du positron. Mais il ne suggérait pas que la physique devait être basée uniquement sur la
      beauté mathématique. Il a pleinement compris le besoin de vérifications expérimentales.
    </p>
    <p>Ce principe, s'il est intéressant, n'est pas une règle absolue, comme le rappelle <span class="people">Philip Morrison</span>
      : <q>C'est un critère purement économique ; ce n'est pas le seul guide pour la science — ce n'est en aucune
        manière un guide sûr pour la science. C'est simplement un guide, mais je le trouve assez intéressant</q> <span
          class="source">Morrison 1969</span>. Pour <span class="people" title="Philip Morrison">Morrison</span> le
      témoin doit être considéré comme un instrument complexe, avec ses avantages et ses inconvénients comme les autres,
      et ce qui compte avant tout est de prendre en compte correctement l'ensemble des liens reliant le phénomène
      observé à la mesure.
    </p>
  </section>
  <p>Sur le même principe, il existe le rasoir d'Hanlon, qui dit <q>N'attribuez jamais à la malice ce qui peut être
    expliqué de façon adéquate par la stupidité.</q></p>
</section>
<p>A la mort de Jean 22, son successeur Benoît 12 devient à son tour la cible d'Ockham. Ockham meurt à <span
  class="place">Munich</span> <time>1347-04-10</time>.
</p>
<p><strong>Auteur de</strong> :</p>
<ul>
  <li>Commentaire des sentences (1318-1319),</li>
  <li>Petite somme de philosophie naturelle (1319-1321),</li>
  <li>Exposition sur les livres de l'art logique (1321-1323),</li>
  <li>Traité sur la prédestination et la prescience divine concernant les futurs contingents (1321-1323),</li>
  <li>Exposition sur les réfutations sophistiques (1321-1323),</li>
  <li>Courte somme des livres de physique (1322-1323),</li>
  <li>Somme de toute la logique (1323),</li>
  <li>Exposition sur la physique d'Aristote (1322-1324),</li>
  <li>Questions sur la physique (1323-1324),</li>
  <li>Quodlibets (1324-1325)
    <ul>
      <li><a href="7emeQuodlibet.html">7ème quolibet</a></li>
    </ul>
  </li>
  <li>Brévilogue sur la puissance du pape (1334-1343).</li>
</ul>
<span class="source">Nicoladec: <a
    href="https://members.aol.com/nicoladec/ockh0.htm">Des choses et de leurs rapports</a> - Présentation de 8  questions quodlibetiques de Guillaume d'Ockham suivies de leur traduction.</span>
<span class="source">"<a href="https://www.ifrance.com/fsp-faq/usenet-sci-faq/occam-fr.html">Qu'est-ce que le rasoir
  d'Occam ?</a>"</span>
<span class="source">Gernert, Dieter: "<a href="/time/2/0/0/7/Gernert_OckhamsRazorAndItsImproperUse">Ockham's Razor and
  Its Improper Use</a>", <em>Journal of Scientific Exploration</em>, vol. 21, n°
  1, pp. 135-140, 2007</span>
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