time/1/9/8/2/07/27/DeLaRealiteALaLegende/index.html
<!--#include virtual="/header-start.html" --><title>De la réalité à la légende</title>
<meta content="https://gerp.free.fr/RealiteLegende.htm" name="url">
<meta content="Michel Pascal" name="author">
<meta content=": (compte-rendu de la rencontre ufologique de Bugue), PS n °18, 1983"
name="copyright"><!--#include virtual="/header-end.html" -->
<p class="note"><em>Du 27 juillet au 2 août 1982 a eu lieu une rencontre ufologique au Bugue (Dordogne), organisée par
<span class="people">Pierre Geste</span>, <span class="people">Bertrand Méheust</span> et <span class="people">Thierry Pinvidic</span>.
Par la suite, <span class="people">Thierry Pinvidic</span> a demandé à Pascal Michel, qui avait décliné l'invitation,
un texte qui a été inclus dans les actes de cette rencontre. C'est ce texte qui est reproduit ci-dessous avec
l'autorisation de l'éditeur des actes de la rencontre.</em></p>
<p>Il y avait fort peu de parapsychologues à la réunion du Bugue. Sans préjuger des raisons qu'avait chacun de ne pas
participer, je voudrais faire part de quelques réflexions inspirées par l'histoire de la <a
href="/science/para/psi/index.html">parapsychologie</a>, et plus généralement par l'histoire des sciences telle
que la conçoivent certains chercheurs à l'époque actuelle, comme <a
href="/people/k/KuhnThomasSamuel/index.html">Kuhn</a> et <a
href="/people/f/FeyerabendPaul/index.html">Feyerabend</a>.
</p>
<p>La recherche en <a href="/science/para/psi/index.html">parapsychologie</a> n'est pas aussi jeune que celle en
ufologie. Les premières expérimentations datent du milieu du <a href="/time/1/8/index.html">19ème siècle</a>. Depuis
cette époque, des chercheurs ont critiqué ces expérimentations, ont fait d'autres expérimentations avec des
précautions renforcées, ont élaboré un vocabulaire, des principes, des hypothèses qui, pour la plupart, ont encore
cours de nos jours. Une littérature grandissante est apparue, et ceci bien avant la fin du <a
href="/time/1/8/index.html">19ème siècle</a>. Au point que certains parapsychologues affirment que rien de
nouveau, au point de vue théorique, n'est apparu depuis le début des années trente, que toutes les idées ultérieures
ne sont que des reprises d'idées déjà publiées antérieurement. Ainsi, en <a
href="/science/para/psi/index.html">parapsychologie</a>, cela fait plus de cent ans que l'on expérimente, et cela
fait plus de cinquante ans que la réflexion intellectuelle dans ce domaine est arrivée à une phase de plénitude, de
saturation.
</p>
<p>Le monde scientifique, quant à lui, est resté et reste encore, sourd à toutes ces recherches. Pourquoi ? Une des
réponses est que dans le monde scientifique, en général, la <a href="/science/Theorie.html">théorie</a> précède les <a
href="/science/Fait.html">faits</a>. La <a href="/science/Theorie.html">théorie</a> dicte si quelque chose est un
"<a href="/science/Fait.html">fait</a>" ou un "non-fait" : c'est ce que soutenait, entre autres, <a
href="/people/e/EinsteinAlbert/index.html">Einstein</a>. Un fait ne saurait prévaloir contre une théorie déjà bien
en place. Ce n'est peut-être pas ainsi que la science devrait se faire. Mais face à des épistémologues qui préconisent
comment la science doit se faire, des historiens des sciences constatent comment la science se fait. On n'abandonne
pas une théorie parce qu'un fait vient la contredire, mais uniquement quand on dispose d'une théorie meilleure. Un
exemple : la célèbre avance du périhélie de Mercure. C'est <time>1915</time> que la théorie de la relativité
générale propose une explication là où la mécanique newtonienne avait échoué. Mais dès <time>1855</time>, l'astronome
Le Verrier consacrait une étude à ce phénomène. <time>1901</time>, ce phénomène était donc bien connu, ce qui
n'empêês <a
href="/people/p/PoincareHenri/index.html">Poincaré</a>, à cette date, d'affirmer que <q>nous sommes certains que
jamais nous ne serons conduits a abandonner</q> les principes de la mécanique newtonienne. Les scientifiques ont
horreur du vide théorique et préfèrent garder une théorie imparfaite tant qu'une théorie meilleure n'a pas été
produite, nonobstant la pression des faits.
</p>
<p>Dans ces conditions, il n'est pas étonnant qu'un chercheur scientifique débutant, quelle que soit sa curiosité,
préfère se lancer dans un des passionnants feuilletons de la science moderne, dans la chasse aux quarks ou aux trous
noirs, d'une si grande richesse théorique, plutôt que dans un domaine où les faits sont imprévus et contradictoires,
où la théorie est chroniquement stagnante, ou l'on côtoie gourous, escrocs et foules avides de mystères.
</p>
<p>Il y a autre chose encore. L'ufologue est habitué à constater "l'élusivité" des phénomènes qu'il étudie : tout se
passe comme si le phénomène refusait de fournir des preuves de sa réalité suffisantes pour convaincre une personne. Le
parapsychologue constate aussi une telle situation. Mais de plus, on trouve dans la longue histoire de la
parapsychologie, de "l'élusivité" sur une échelle beaucoup plus vaste. Ainsi, à des décennies où l'on a pu étudier les
grands médiums à effets physiques, succède, <time>~1930</time>, une période où les chercheurs ne trouvent plus de
sujets à la hauteur de leurs prédécesseurs. De la même façon, rien ne peut garantir a l'ufologue que le nombre annuel
mondial d'observations d'ovnis va rester important. Si un net déclin se produit, les jeunes ufologues risquent de se
retrouver, dans une quarantaine d'années, dans la position où sont les spirites de nos jours, brandissant face au
monde scientifique des livres jaunis renfermant des cas hallucinants devant lesquels le monde scientifique se tordra
de rire. Les ovnis seront tenus pour une légende.
</p>
<p>En conclusion, les vrais problèmes qui se posent à l'ufologue se situent à mon avis à un autre niveau que celui de la
recherche sur les méthodes d'approche de la réalité ou les méthodes d'expertise. Et si l'ufologue se tourne vers la
parapsychologie, celle-ci risque de lui apporter, plus que le sang neuf des dernières théories à la mode, le poids
d'une histoire dont il ne pourra que subir la répétition.</p>
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